quinta-feira, outubro 14, 2004
"Pour la première fois, Bush a donné l'impression de craindre une défaite"

Prix Pulitzer 2004 pour son "Gulag : A History" (à paraître chez Grasset), Anne Applebaum est membre de l'équipe éditoriale du Washington Post.
Que pensez-vous de la prestation de M. Bush ?
Pour la première fois, Bush a donné l'impression de craindre une défaite. Il a eu continuellement recours à des slogans et des statistiques, en lieu et place d'arguments. Il est apparu constamment sur la défensive. Le format du débat d'hier soir ne lui convient pas : à devoir rester debout derrière un pupitre, sans guère bouger, il est apparu mal à l'aise. Ses plaisanteries sont tombées à plat. Mais certaines de ses réponses, sur l'avortement, en matière d'éducation ou de sécurité intérieure par exemple, étaient vraiment susceptibles de plaire aux foules, ce qui a contribué à motiver ses supporters.
Comment évaluez-vous la prestation de M. Kerry?
Il est apparu sûr de lui et bien préparé, même quand il était clair qu'il n'était pas tout à fait honnête dans la substance de ses réponses ou alors qu'il en savait peu sur le thème abordé. Ce fut le cas, par exemple, dans sa réponse à propos de la pénurie inattendue de vaccins antigrippe aux Etats-Unis cette année.
Qui l'a emporté à l'issue de ce débat et pourquoi?
Difficile de répondre. L'humour de Bush et son côté bon enfant ont beaucoup moins bien fonctionné que d'habitude. D'un autre côté, certaines de ses réponses démontrent qu'il a de très fermes convictions et qu'il n'en change pas sous la pression, ce que les gens apprécient. Kerry a eu son aisance et son charisme habituels, mais le jargon et les acronymes qu'il a eu tendance à utiliser ne sont compris qu'à Washington. Son insistance à évoquer des plans vagues et compliqués amènera beaucoup d'électeurs à se détourner de lui. Kerry a fait du mieux qu'il pouvait espérer : montrer qu'il n'est pas aussi indécis qu'il le semblait un mois plus tôt.
LE MONDE