segunda-feira, novembro 01, 2004
L'éditorial du "Monde"
Le choix américain
Oussama Ben Laden vote-t-il George W. Bush ou John F. Kerry ? La machiavélique irruption du chef d'Al-Qaida dans la campagne électorale américaine, à quatre jours du scrutin, fameuse "surprise d'octobre" redoutée par tous les stratèges, a brutalement replacé cette élection dans son véritable contexte : celui du 11-Septembre et de ses suites.
John Kerry, le candidat démocrate, estime que la guerre en Irak, en détournant les ressources militaires américaines de la lutte contre Al-Qaida, a empêché la capture de Ben Laden et renforcé la menace terroriste. Le président Bush, lui, joue ouvertement sur la peur de nouveaux attentats, toujours présente chez ses concitoyens, et demande aux électeurs de lui donner quatre ans de plus pour mener à bien sa "guerre mondiale contre le terrorisme". Chacun peut donc exploiter l'intervention d'Oussama Ben Laden à son avantage : M. Kerry en y voyant la preuve de l'échec de la politique de son adversaire, M. Bush en poussant encore un peu plus le facteur peur.
Prendre parti dans une élection à l'étranger n'est pas dans la tradition du Monde. L'enjeu exceptionnel de l'élection présidentielle du 2 novembre, pourtant, et les termes dans lesquels se présente ce choix historique nous ont convaincus qu'une victoire de John Kerry était souhaitable, au-delà des frontières des Etats-Unis.
Car il s'agit bien d'un choix entre deux visions du monde et du droit. George W. Bush propose à ses compatriotes de sortir du système qu'ils ont connu jusqu'au 11 septembre 2001, celui-là même pour lequel il avait fait campagne en 2000, lorsqu'il promettait une politique étrangère américaine frappée du sceau de "l'humilité". La vision du président Bush est celle d'un pays en guerre, une nouvelle forme de guerre aux contours et aux règles impossibles à définir. Une guerre si particulière qu'il faut lui sacrifier des règles de droit sur lesquelles est fondée la démocratie américaine, remplacer la tradition de transparence par l'opacité et la manipulation, et ignorer l'architecture internationale qui est au centre d'un consensus mondial depuis plus d'un demi-siècle.
John Kerry sait que le monde a changé le 11 septembre 2001. Mais il refuse de voir dans le terrorisme quelque force supérieure qui justifie une remise en cause des fondements de la démocratie américaine et de l'ordre international. Son engagement personnel pendant la guerre du Vietnam, son expérience de la politique étrangère et sa vision "internationaliste" du monde, sa capacité à reconnaître ses erreurs, ainsi que la force de conviction dont il a fait preuve au cours des trois débats présidentiels en font un homme d'Etat beaucoup plus apte que M. Bush à répondre aux défis de l'après 11-Septembre.
Pour la marche du monde, une victoire de John Kerry est préférable le 2 novembre. Pour que l'Europe et les Etats-Unis aient une chance de prendre ensemble un nouveau départ. Et pour qu'à la Maison Blanche s'installe une équipe non plus guidée par le Bien et le Mal, mais par le droit et la justice.
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 31.10.04
John Kerry, le candidat démocrate, estime que la guerre en Irak, en détournant les ressources militaires américaines de la lutte contre Al-Qaida, a empêché la capture de Ben Laden et renforcé la menace terroriste. Le président Bush, lui, joue ouvertement sur la peur de nouveaux attentats, toujours présente chez ses concitoyens, et demande aux électeurs de lui donner quatre ans de plus pour mener à bien sa "guerre mondiale contre le terrorisme". Chacun peut donc exploiter l'intervention d'Oussama Ben Laden à son avantage : M. Kerry en y voyant la preuve de l'échec de la politique de son adversaire, M. Bush en poussant encore un peu plus le facteur peur.
Prendre parti dans une élection à l'étranger n'est pas dans la tradition du Monde. L'enjeu exceptionnel de l'élection présidentielle du 2 novembre, pourtant, et les termes dans lesquels se présente ce choix historique nous ont convaincus qu'une victoire de John Kerry était souhaitable, au-delà des frontières des Etats-Unis.
Car il s'agit bien d'un choix entre deux visions du monde et du droit. George W. Bush propose à ses compatriotes de sortir du système qu'ils ont connu jusqu'au 11 septembre 2001, celui-là même pour lequel il avait fait campagne en 2000, lorsqu'il promettait une politique étrangère américaine frappée du sceau de "l'humilité". La vision du président Bush est celle d'un pays en guerre, une nouvelle forme de guerre aux contours et aux règles impossibles à définir. Une guerre si particulière qu'il faut lui sacrifier des règles de droit sur lesquelles est fondée la démocratie américaine, remplacer la tradition de transparence par l'opacité et la manipulation, et ignorer l'architecture internationale qui est au centre d'un consensus mondial depuis plus d'un demi-siècle.
John Kerry sait que le monde a changé le 11 septembre 2001. Mais il refuse de voir dans le terrorisme quelque force supérieure qui justifie une remise en cause des fondements de la démocratie américaine et de l'ordre international. Son engagement personnel pendant la guerre du Vietnam, son expérience de la politique étrangère et sa vision "internationaliste" du monde, sa capacité à reconnaître ses erreurs, ainsi que la force de conviction dont il a fait preuve au cours des trois débats présidentiels en font un homme d'Etat beaucoup plus apte que M. Bush à répondre aux défis de l'après 11-Septembre.
Pour la marche du monde, une victoire de John Kerry est préférable le 2 novembre. Pour que l'Europe et les Etats-Unis aient une chance de prendre ensemble un nouveau départ. Et pour qu'à la Maison Blanche s'installe une équipe non plus guidée par le Bien et le Mal, mais par le droit et la justice.
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 31.10.04